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LES VRAIS BOUCLIERS CONTRE LE CANCER

On sait aujourd'hui à quel point l’environnement est crucial dans le développement du cancer. Mais s’il existe des facteurs aggravants comme le tabac ou l’alcool, on oublie souvent qu’on dispose de plusieurs boucliers pour diminuer le risque… Découvrez-les.




Comprendre les différentes phases du cancer
Au-delà de l’évitement de certaines conduites à risque comme le tabagisme ou l’exposition fréquente au soleil, quels sont les moyens à notre disposition pour empêcher la survenue d’un cancer ou faciliter son éradication ? Pour le savoir, il faut d’abord se plonger dans le scénario de formation d’une tumeur cancéreuse. Celui-ci est classiquement divisé en 4 étapes : l’initiation, la promotion, l’invasion et la colonisation.

La première phase : l'initiation
Nous voici plongés au cœur de la cellule, dans le noyau, où se trouvent toutes les informations nécessaires au fonctionnement de l’organisme sous forme de rubans d’ADN. C’est ici que sont notamment gérées les informations permettant aux cellules de se multiplier. La moindre égratignure sur la peau entraîne ainsi l’activation d’un programme de copie, par l’intermédiaire de messagers : des cellules se multiplient pour combler la brèche dans la peau. Une fois fermée, de nouveaux messages accourent dans la salle de contrôle pour faire cesser les duplications.

Hélas, les nombreux messagers de l’organisme ne sont pas les seuls à pouvoir s’infiltrer dans ces salles et modifier les programmes. D’autres agents endommagent quotidiennement les rubans d’ADN plusieurs milliers de fois par jour. Ils viennent tant de l’extérieur (les rayons du soleil, les polluants contenus dans l’air, l’eau ou les aliments, les médicaments) que de l’intérieur (les radicaux libres, les globules blancs mis en alerte) et se comportent en véritable agresseurs tout au long de la vie.

Bien sûr, l’évolution a prévu de nombreux programmes de défense pour éliminer ces agresseurs toxiques ainsi que des programmes de réparation. Malheureusement, les premiers sont fatalement débordés par le nombre sidérant des assaillants. La simple combustion des calories entraîne un mitraillage de près de 10 000 impacts par jour sur les rubans d’ADN de chaque cellule. Un paquet de cigarettes par jour en rajoute plus de 4 000. Quant aux réparateurs, qui découpent les parties endommagées et refabriquent des pièces neuves, ils peuvent être mis hors d’usage : les programmes indispensables pour les créer se trouvent aussi sur les rubans ! Le hasard joue un rôle prépondérant à ce niveau puisque les assaillants ne savent pas lire l’ADN : ils frappent à l’aveugle n’importe quel gène. Du coup, plus le temps passe, et plus les risques de voir des réparateurs présenter des défauts, augmentent.

Par quoi ces attaques peuvent se traduire ?

Le contrôle de multiplication des cellules n’est plus assuré si le programme en charge de cette mission est endommagé et si les systèmes de réparation sont défaillants. Inévitablement, quelques cellules se mettent alors à proliférer. Sans jamais s’arrêter.

L’étape de l’initiation ne suffit pas à provoquer le cancer, mais elle en est le maillon central. Or, il existe des boucliers spécifiques à cette première phase.

L'alimentation anti-initiation
Il existe de très nombreuses études sur les effets de l’alimentation et des compléments alimentaires sur la phase d’initiation d’un cancer. La plupart d’entre elles montrent qu’il n’existe pas d’aliment-miracle : c’est la stratégie générale qui compte. Cela signifie qu’il faut faire le plus de bons choix possibles en matière d’alimentation.

Les anti-polluants anti-carcinogènes
Ces anti-polluants sont des boucliers de choix pour prévenir l’apparition d’un cancer. Il s’agit essentiellement de fibres, de minéraux et d’autres chélateurs divers. Les fibres sont apportées par une alimentation végétale (fruits, légumes, oléagineux, céréales...). Elles ont la capacité d’accrocher les polluants et de réduire leur contact avec les parois digestives. De plus, elles accélèrent le transit, ce qui diminue le temps de contact des toxiques qui frottent les parois. Le calcium, le magnésium, le sélénium, la vitamine C, la taurine et le glutathion agissent tous en se collant à des polluants, dans le tube digestif comme à l’intérieur des cellules. D’autres agents, comme le sulforaphane contenu dans les crucifères (choux, cresson, navets, radis, rutabaga...), sont capables d’activer des programmes de détoxification.

Les antioxydants
C’est bien connu : les antioxydants luttent contre les radicaux libres. Or, ce sont ces radicaux qui sont principalement responsables de l’initiation, qu’ils soient issus de la combustion des calories, de l’activation des globules blancs, du tabac, des polluants ou de l’excès de fer ! L’idéal est donc de foncer sur les antioxydants classiques, à savoir :

La vitamine C
La vitamine E
Les caroténoïdes
Le sélénium
Les flavonoïdes
L’acide alpha-lipoïque
Tous luttent pour conserver l’intégrité des gènes contenus dans les rubans. D’autres nutriments comme la vitamine B9, la vitamine B12, le magnésium ou le zinc jouent un rôle capital en complément des réparateurs du génome. On comprend alors pourquoi les chercheurs ont démontré que les régimes méditerranéens et Okinawa, caractérisés par une place majeure accordée aux fruits, aux légumes verts, aux poissons et au vin, engendrent moins de cancers ! Et ce n’est pas leurs seuls avantages : en baissant le nombre d’irradiations des rubans d’ADN, ils ralentissent aussi le vieillissement !

La promotion : deuxième phase du cancer
Retournons au cœur du foyer tumoral naissant. Suite à la phase d’initiation, des cellules tumorales ont fait leur apparition. Lors d’un contrôle d’identité classique, la patrouille immunitaire s’aperçoit que ces cellules ne sont pas comme les autres (leur membrane les trahit). L’alerte est donnée immédiatement : « Des cellules atypiques ont été détectées au niveau du sein droit ! ». Pour guider les forces de sécurité, les patrouilleurs répandent des substances attirantes à leur proximité. L’ordre est donné de les anéantir le plus vite possible. Des protéines (les P53) s’occupent de pousser ces cellules difformes au suicide.

Malheureusement, ce système n’est pas toujours efficace : il dépend notamment de la fatigue de l’organisme, d’un éventuel manque de micronutriments ou de carences alimentaires. Plus le système est défaillant, et plus les cellules cancéreuses se multiplient, deviennent envahissantes. Leur multiplication reste assez lente mais peut prendre de la vitesse en utilisant de nouveaux acteurs : les promoteurs. Il en existe de nombreux mais les plus connus sont certainement les hormones sexuelles (oestrogènes et testostérone notamment) et les facteurs de croissance. La progestérone ou même l’insuline dans certains cancers sont aussi des promoteurs. Or, on sait que cette dernière hormone est excessivement élevée dans le cas d’un surpoids par exemple.

Quand les cancers sont minuscules, et donc invisibles, le comportement est très important : il peut offrir à la tumeur un environnement hostile qui les empêche de se développer suffisamment pour devenir détectable ou à l’inverse, un environnement favorable qui leur permet de grossir à vitesse grand V. Il est donc toujours possible de s’armer de boucliers pour les ralentir, voir les bloquer.

Les aliments anti-promoteurs
Certains aliments bien spécifiques sont des boucliers très intéressants contre la promotion. Un chercheur canadien, Richard Béliveau, travaille justement sur ce lien entre alimentation et cancer. Et d’après lui, pas de doute : nos meilleurs boucliers ne sont pas à la pharmacie mais au marché !
Parmi eux, on compte notamment le thé vert qui a un effet inhibiteur indéniable de l’absorption du fer. Quel rapport entre le fer et le cancer ? En plus d’être un facteur de stress oxydatif, il favorise le développement de tumeurs déjà existantes. Les cellules cancéreuses l’utilisent comme facteur de croissance pour se multiplier plus rapidement. Or, des millions de gens sont surchargées en fer à travers le monde, principalement à cause d’une consommation de viande inappropriée. Bien sûr, les carences existent (surtout chez les femmes) mais globalement, l’expression « avoir une santé de fer » nourrit l’illusion que le fer est un nutriment qui « rend fort ». Ainsi, la consommation excessive de viandes est un facteur clé de cancer du côlon. D’autres aliments contenant des flavonoïdes ont ces mêmes propriétés anti-promotrices : les légumes bien sûr, les fruits mais aussi les céréales.
Parmi les fruits, l’un d’entre eux se détache nettement : le jus de grenade. Celui-ci aurait une capacité à pousser les cellules cancéreuses au suicide : on appelle cela l’apoptose. De nombreuses études ont démontré son efficacité mais il semble que les principes actifs isolés dans la grenade ne soient pas aussi efficaces que dans le jus.
Un autre aliment, plus controversé, mérite d’être cité : le soja. Celui-ci réduirait le risque de promotion tumorale, du fait de sa richesse en phytoestrogènes, des hormones végétales qui rentrent en compétition avec les oestrogènes dont l’action de promotion est bien connue désormais. Sa consommation dans les pays asiatiques expliquerait, en partie, leur faible taux de cancer du sein.
Enfin, nombre d’épices peuvent s’avérer utiles dans la lutte contre la promotion. Le curcuma serait par exemple capable de bloquer un signal essentiel à la prolifération des cellules tumorales : le NF kappa  B, tout comme le gingembre. Les aliacées (ail, oignon, échalote, fenouil, poireau) auraient, tout comme certaines algues comme le kombu ou le wakamé, la capacité de pousser au suicide des cellules anormales.
N’oubliez pas que leurs effets ne s’additionnent pas : ils se potentialisent !

L'exercice physique : un bouclier anti-promotion redoutable
Il est difficile de comprendre pourquoi de plus en plus de gens abandonnent l’exercice physique, au vue de ses innombrables bienfaits. Ce sont les études qui le disent : plus la pratique sportive est importante (c'est-à-dire longue, régulière et intense), plus on réduit le risque de cancer1. En mai 2005, un article paru dans le JAMA2 sur le lien entre le cancer du sein et l’exercice physique avait fait sensation. Chez 3000 infirmières souffrant d’un cancer du sein et suivies pendant dix ans, le simple fait de marcher durant 3 à 5 heures par semaine a réduit d’environ 50 % leur risque de décéder prématurément comparativement à un groupe de femmes ne faisant pas d’exercice. Comment expliquer ce phénomène ? Outre la diminution de la masse graisseuse, les chercheurs ont avancé des explications liées à la promotion cancéreuse :
L’activité physique fait baisser le taux des hormones (œstrogène et testostérone) impliqués notamment dans les cancers du sein, de l’utérus et de la prostate.
Elle retarde l’âge de premières règles et allonge les cycles menstruels, diminuant ainsi le nombre total de cycles dans la vie d’une femme.
Elle stimule les défenses immunitaires contre les cellules anormales.

Les étapes de l'invasion et de la colonisation
Nous arrivons au troisième épisode du développement du cancer. Des cellules cancéreuses sont apparues et se sont multipliées massivement. Il leur reste du chemin à faire pour devenir particulièrement dangereuses : envahir l’organisme tout entier. Or, quelque soit le tissu dans lequel elles apparaissent, ce dernier est entouré de frontières solides : les muscles sont délimités par des fascias, les organes d’une capsule, les os d’un périoste... Comment peuvent-elles traverser ces frontières a priori rigoureusement hermétiques ? En mutant à nouveau.
Théoriquement, toutes les cellules possèdent les capacités de toutes les autres cellules puisqu’elles ont le même matériel génétique que la cellule œuf unique à partir de laquelle elles dérivent toutes. Une cellule musculaire est différente d’une cellule immunitaire parce que certains programmes ont été bloqués par des agents spéciaux. Si ces blocages sont forcés (on parle de déméthylation), les cellules peuvent acquérir des capacités interdites comme la synthèse de protéines destructices. C’est cette capacité qui leur permet d’effectuer des raids dans les tissus voisins et menacer d’autres périmètres de l’organisme. Lorsqu’elles sont capables de créer d’autres foyers (on parle de métastases) dans l’organisme, en passant notamment par le sang, c'est l'étape de la colonisation. Le cancer devient alors particulièrement difficile à contrôler et soigner.
Note : pour qu’un cancer soit détectable, il doit mesurer au moins 1 centimètre cube, c'est-à-dire compter plus d’un milliard de cellules. A ce stade, le traitement du cancer ne dépend plus de l’alimentation. Dans le meilleur des cas, elle peut y jouer un rôle auxiliaire.

Les boucliers qui restent à confirmer
La gestion du stress
Le lien entre le risque de cancer et le stress n’est pas scientifiquement avéré, bien que largement soupçonné. Une étude avait montré que le travail de nuit, source intense de stress, augmentait de 50 % le risque de cancer du sein. Mais, cette augmentation du risque est-elle liée au seul stress ou à d’autres facteurs causés par le facteur nocturne ? Difficile à dire. Toujours est-il que des études ont montré l’intérêt de la gestion du stress et du soin mental pendant le traitement des cancers. Le professeur Spiegel a été le premier à le démontrer en 1989 : le taux de survie avait été doublé chez des femmes soignées pour un cancer ayant participé à des groupes de soutien et ayant été formée à l’auto-hypnose par rapport à des femmes témoins (trois ans au lieu de un an et demi). Une autre étude sur des souris a montré que le stress induit chez ces dernières rendait les traitements moins efficaces. Peut-on transposer cela chez l’humain ? Il est trop tôt pour le dire.

Les anti-inflammatoires
C’est un constat scientifique : les personnes qui prennent régulièrement de l’aspirine ou des anti-inflammatoires comme l’ibuprofène pour des maux de tête ou des douleurs musculaires, sont moins à risque des cancers digestifs ou du sein que les autres. Ce phénomène n’a pas été retrouvé chez les personnes qui prennent des antidouleurs sans effet anti-inflammatoire comme le paracétamol.
Mieux, la réduction du risque serait proportionnelle à la durée de la prise et à son dosage. Évidemment, cela ne signifie pas qu’il faut se ruer sur les aspirines car ils ne conviennent pas à tout le monde, mais cela vaudrait donc la peine de se traiter avec ces derniers lorsque c’est nécessaire.

Les statines
Controversées pour leur intérêt dans l’hypercholestérolémie, les statines diminueraient le risque de cancer du pancréas, de l’œsophage, de la prostate, du sein, du poumon et du côlon ! Rien que ça ! Les chiffres demandent encore à être confirmés mais on peut déjà avancer que les personnes qui prennent des statines en prévention des risques cardio-vasculaires, diminuent probablement leur risque de cancer.

La vitamine D
Une méta-analyse de 63 études a révélé que plus notre taux sanguin de vitamine D était élevé, mieux nous étions protégés contre les cancers. Cela pourrait expliquer le nombre de cancers plus élevé chez les populations peu ensoleillées : les rayons ultraviolets en permettent la formation au niveau de la peau.

L’allaitement
Allaiter ses enfants contribuerait à prévenir les cancers de l’utérus (avec notamment une réduction du risque de 72 %). Ce bénéfice serait proportionnel à la durée de l’allaitement et même au nombre d’enfants allaités. L’OMS recommande six mois d’allaitement complet (sans autre nourriture), tandis que l’Unicef ajoute que l’idéal se situe au-delà de deux ans.

Note : l’usage de boucliers et de protection en tout genre ne permet jamais de garantir à 100 % la non-survenue d’un cancer. Il y a une partie de hasard indéniable. Certains pensent que les boucliers préventifs sont beaucoup plus efficaces avant trente ans, car les cellules se reproduisent plus souvent.

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